Le couple de Vénétie
Amis d'Erre4m, bonjour et bienvenue dans ce nouveau poste. Aujourd'hui nous allons commencer un petit voyage pour parler de quelques types de pain, dont notre région (Veneto) est très riche.
Le premier pain que je voudrais porter à votre attention est le pain par excellence des Vénitiens, à savoir le CIOPA.
Dans notre région, le terme Ciòpa est généralement utilisé pour désigner l'unité de mesure d'un morceau de pain, comme nous le verrons plus loin.
Mais que signifie le mot Ciopa ? Pour répondre à cette question, je dois me référer à l'érudit vénitien Elio Zorzi, qui en parle dans son livre Tavernes vénitiennes, identifiant et définissant ainsi la ciopa...je cite : le bine, un type de pain très courant dans l'Antiquité dans la capitale de la Sérénissime, était composé de quatre piccie (Treccani : piccia=une paire d'objets réunis, le plus souvent dans le sens de la longueur) de pain de blé, attachés ensemble par les côtés ; de la scission de la bine en deux morceaux distincts est né le ciope, mot dérivé par métathèse de coppia, qui désigne une paire de piccie de pain, qui a évolué à son tour dans les formes pour constituer l'actuel ciopa, qui est le pain le plus caractéristique de Venise.
Et par force la figure de Venise entoure constamment l'évolution (dans n'importe quelle sphère) de la Vénétie post-romaine. Venise, après sa fondation et son essor rapide, s'est imposée comme un carrefour d'échanges (très rentables) entre l'Orient et l'Occident et dans ce contexte ont fleuri la contamination, les idées, la créativité, le raffinement, le luxe, la concurrence.
Venise regorgeait d'ateliers de Pistori (les boulangers qui pétrissaient et levaient la pâte à pain) et de Forneri (les boulangers qui cuisaient le pain). Oui, car déjà au Moyen Âge, le monde des boulangers vénitiens était divisé entre boulangers et fabricants de pain. Ce qui est très intéressant, c'est qu'à l'école des Pistori, au fil du temps, des professionnels d'autres régions d'Italie et d'Europe (Lombards/Piémontais, Allemands, Slaves, Albanais, etc...) ont fait partie de l'école et donc les types et formes de pain se sont logiquement multipliés.
Et c'est aussi le cas pour notre chère Ciopa.La forme de la Ciopa, étant le fruit de la créativité artisanale, est la plus variée, selon des traditions locales consolidées depuis des siècles. Ainsi, dans la région de Padoue, la ciopa signifie le corno padovano, tandis qu'à Vicence, la ciopa est un filocino doublement torsadé et couplé, dans la région de Trévise, la ciopa prend aussi la forme de feuilles,de giraffes,de montasù. Bref, quand en Vénétie, on trouve une ciopa, on en trouve une.
Le poids de la ciopa peut également varier en conséquence. Ils vont de 50 grammes pour le ciopete ou cioppette à 400 grammes pour le cioppe proprement dit ; mais ce qui ne change pas dans les différentes formes de ciope, c'est le type de pâte. La ciopa est une pâte préparée avec de la farine de blé tendre, de l'eau, du sel, du levain et de la levure de bière.
La pâte est toujours dure, à tel point que lorsqu'elle est cuite, la mie est compacte, la croûte a tendance à être claire, épaisse et croustillante, et elle est très bien adaptée pour être coupée en tranches.
Certains amateurs de la tradition boulangère vénitienne, cependant, vont certainement râler parce que jusqu'à présent j'ai omis ce qui est la forme connue de la plupart des gens (surtout ceux de certaines générations qui ne sont plus très jeunes). Elio Zorzi fait toujours remarquer que : avec le terme ciopa on identifie surtout les pains de forme ronde et très modestement j'ajoute qu'ils ont généralement aussi une belle et grande croix gravée sur la surface...histoire de ne pas oublier la culture religieuse qui accompagnait la vie quotidienne des gens et qui est très bien adaptée pour augmenter la levée du pain pendant la cuisson.
Comme je l'ai déjà dit, la pâte dure qui forme la ciopa (celle de 400 grammes) était cruciale dans les temps anciens pour obtenir un pain qui pouvait durer, rapportent mes informateurs, une semaine entière. Certains me suggèrent également qu'il était mis dans un sac en tissu et suspendu en hauteur, loin des mains des enfants et des rongeurs. Certains la tranchaient et la faisaient cuire dans un four à bois pour qu'elle accompagne les soupes qui se trouvaient presque quotidiennement sur les tables des paysans.
Et maintenant les doses de ciopa....une des nombreuses recettes dont je ne revendique certainement pas l'exclusivité !
800g de pâte ancienne ou aigre (c'est-à-dire de la pâte reportée)
500g de farine fior di grano (qui a tendance à être faible parce que les farines utilisées dans le passé étaient faibles)
225g d'eau
20 levure de bière
20gale
Les ingrédients doivent être mélangés dans le pétrin et ensuite pétris avec un gramola, étant donné la consistance sèche de la pâte.
Divisé en morceaux de 500g et roulé serré, placé sur des planches de bois et recouvert une fois de plus pour la levée finale qui durait environ une heure.
Après ce temps, il était coupé avec une croix sur la surface et cuit dans un four à bois pour une cuisson qui n'était jamais excessive mais restait légère.
Mon souvenir de la ciopa est lié à l'heure du petit déjeuner. Tôt le matin, surtout en été. Miononno arrivait avec un sac plein de ciope du four à bois encore chauds et crépitants, presque blancs, avec une croûte ferme et croustillante et une mie très parfumée...le caffellatte était déjà prêt car les manger comme ça, pour moi, c'était la fin du monde...et quel est ton souvenir ?
À la prochaine fois et BON PETIT-DÉJEUNER À TOUS !
Blog d'Enrico Gumirato chef pâtissier et formateur.